Trucs de moi

"Non mais regarde toi, tu resteras pas célibataire bien longtemps !"
Un soupir fila ses lèvres, cette phrase elle ne l'avait que trop entendue. Ce n'était pas la peur d'être célibataire pour le reste de son existence qui lui vrillait le cerveau tard le soir. C'était la peur de se remettre en couple. Trop vite. Trop tôt. Pire encore ; avec la mauvaise personne. Cette mauvaise personne, Ella avait déjà l'impression de l'avoir accueilli trop longtemps dans sa vie, dans son cœur et dans son lit. Midinette amoureuse qui n'avait pas vu - et sans doute pas voulu voir - les défauts de l'autre. Ces défauts lui avaient sauté au visage quelques semaines plus tôt, comme une explosion qui laissait d'immondes marques sur sa peau. En y songeant, la brune ne put s'empêcher de glisser sa main contre sa nuque.
"Tu sais que je n'ai pas décidé de rompre, changer totalement tout ce qui faisait la base de ma vie depuis dix ans, pour me jeter à corps perdu dans une nouvelle histoire Claire ?
- Hm ... je sais mais ... tu es sûre que tu es heureuse ?
- Je suis libre, indépendante et pour la première fois de ma vie d'adulte ... Oui, je crois que je suis heureuse."
Sa meilleure amie haussa les épaules, ses boucles rousses y rebondissant dans un mouvement délicat. Si Ella se disait heureuse alors que pouvait-elle bien dire ou faire de plus. La lumière du téléphone d'Ella s'alluma. Une notification.
"C'est quiiiii ?
- Claire ça suffit ! Cette curiosité ma fille, faut vraiment que tu te calmes ! Quoi ? Tu t'ennuies avec Tom c'est ça ?
- Pfff ! N'importe quoi, je m'intéresse à la vie de ma meilleure copine c'est tout ... Ca fait à peine un mois que tu es célibataire et tu es déjà à fond sur ces applications de rencontre ...
- Ca va je risque pas ma vie, pas plus qu'en me promenant dans la rue.
- Oui enfin ...
- Enfin quoi ? T'inquiète Claire."
Ella replaça une mèche derrière son oreille avant de jeter un coup d'œil à son téléphone.
"Il se fait tard, je vais y aller. Tu feras un bisou à Tom et Lily de ma part."
Ella se leva, déposa un baiser sur la joue de son amie et quitta le bar après avoir réglé les deux boissons. Elle aurait pu prétexter une réunion tôt le lendemain, trouver une excuse pour s'éclipser plus tôt mais son amie savait quelle était sa vie désormais.
"Je suis là dans dix minutes." pianota-t-elle sur son téléphone avec un petit sourire. Diego. Touriste espagnol de passage dans la ville avait liké son profil quelques heures plus tôt. Ils avaient matché et de fil en aiguille avaient décidé de se rencontrer le soir même. Toutes ses rencontres n'étaient pas aussi rapides, mais ce bel andalou au regard clair et au teint hâlé lui avait donné envie de sauter sur l'occasion. Rendez vous avait été donné près du Capitole, là où Diego avait son hôtel. Qu'on se le dise, ce n'était pas un simple touriste, il parlait un français presque parfait et séjournait dans l'un des hôtels les plus prestigieux de la ville. Une autre bonne raison de ne pas douter trop longtemps. Pourtant, et comme avant chaque rencontre depuis deux semaines, Ella avait cette petite angoisse, une angoisse positive. Celle qui lui donnait l'impression que son corps crevait d'en découvrir encore plus. Celle qui lui soufflait qu'au moindre risque, elle appellerait son amie pour la sortie de là. Dernier coup d'œil à son reflet dans l'appareil photo de son smartphone et Ella tourna à l'angle de la place.
Elle était en beauté ce soir, pas vraiment pour le rendez-vous qui n'était pas prévu le matin quand elle avait quitté son appartement. Non si elle s'était faite belle aujourd'hui c'était pour elle, si elle avait opté pour une robe légère noire à poids blancs et une paire de nu-pieds à talons, c'était juste pour elle. Ella n'avait pas non plus pensé à enfiler de lingerie sexy, après deux ou trois rendez-vous à réaliser combien dates n'en avaient rien à faire, la jeune femme s'était dit qu'une simple culotte en coton ferait amplement l'affaire. Dans une dernière inspiration, il lui sembla reconnaître la silhouette que le profil laissait envisager.
Un mètre quatre-vingt-dix, des épaules larges mises en valeur par une chemise blanche, et un pantalon de costume qui faisait ressortir des fesses raffermies et rebondies par tout ce sport qu'il se vantait de pratiquer. Un pur canon. Du haut de son mètre soixante-dix, vêtue d'une culotte en coton, Ella se demanda si finalement elle n'aurait pas dû la faire cette sortie shopping en sortant du bureau.
"Holà !" lança-t-elle fièrement alors qu'il se tournait vers elle.
"Holà guapa ! Tu es encore plus belle que sur tes photos."
Ce petit accent suffit à la faire fondre, la forçant à serrer les cuisses un instant. Elle devait encore apprendre à le connaître, savoir s'il était digne de confiance, s'il accepterait sans rechigner d'enfiler un préservatif, s'il était à jour dans ses dépistages. Elle devait être patiente au moins une petite heure. Au moins une trentaine de minutes. Et tout ce qu'elle désirait à cet instant, c'était le suivre dans sa chambre d'hôtel, l'embrasser et le débarrasser de tous ses vêtements pour contempler et savourer ce qu'elle ne pouvait pour l'instant qu'imaginer.
"On boit un verre ?" proposa-t-elle à contrecœur.
"Avec plaisir." accepta-t-il avec un sourire qui dessina des fossettes parfaitement adorables et sexy sur ses joues. Une gravure de mode. C'était impossible qu'elle, Ella Suarez, puisse avoir une chance de coucher avec un type aussi beau. Impensable. Dans un sourire et sans plus attendre, les deux reprirent la discussion laissée en suspend sur l'application tout en rejoignant le bar de l'hôtel. Diego n'était pas seulement beau, il était aussi drôle, intelligent, très intéressant. Il présenta son travail, en lien avec le commerce de fruits et légumes, quelque chose lié à la grande distribution. Aïe, le grand capital ce n'était pas son truc. Lui trouver des défauts, c'était un bon moyen pour arrêter de l'idéaliser. Mais il n'avait pas l'air d'être un psychopathe, et à mesure que les minutes filèrent, Ella se laissa un peu plus prendre au jeu de la séduction. Lèvre mordillée, léchée de la pointe de la langue pour savourer les dernières gouttes de ce délicieux cocktail, légèrement avancée vers lui, le buste orienté dans sa direction. Il ne manquait pas une miette du spectacle et lorsqu'il lui souffla de continuer la discussion au calme, Ella sentit ce doux pincement entre ses cuisses.
Ils gagnèrent l'ascenseur où un groom à la discrétion très professionnelle leur permit de rejoindre le deuxième étage où se trouvait sa chambre. Diego ouvrit la porte et la laissa entrer dans son point de chute de la semaine. Il repartait le lendemain en fin de journée. Dommage de ne pas avoir matché avant mais mieux valait tard que jamais sans doute. Ella avança jusqu'à la fenêtre qui donnait sur la place, encore animée à cette heure-ci, encore baignée des derniers rayons de soleil d'août. Des pas dans son dos lui firent décrocher un sourire et lorsqu'elle sentit ses mains glisser contre sa taille et son ventre pour la ramener contre lui, la brune hoqueta de surprise, soupirant déjà de désir. Après des années à se sentir comme endormie, anesthésiée par une routine monotone, ce célibat si nouveau lui procurait des sensations qu'elle pensait disparues à jamais.
"Tu es vraiment magnifique ... Tu me permets d'en découvrir plus ?
- Oui ..."
Elle s'entendit à peine lui donner son accord, un murmure teinté d'un désir non feint. Ella sentit les lèvres de Diego contre sa peau, son souffle chaud contre sa nuque, ses doigts qui glissèrent contre sa silhouette fine mais féminine jusqu'à trouver la fermeture éclair de sa robe. Un frisson graina sa peau à mesure que le mécanisme y glissait, dévoilant son teint clair, la dentelle de soutien-gorge noir simple au possible et finalement ... le coton noir de sa culotte. Un gloussement lui échappa.
"Je suis désolée, si j'avais su qu'il me reviendrait de renforcer l'image de classe des femmes françaises ce soir, j'aurais opté pour une autre lingerie.
- Haha ... ne t'en fais pas pour la lingerie, tu ne vas pas la garder longtemps de toute manière."
Doux Jésus ... pensa-t-elle alors que l'étoffe de sa robe s'écrasait dans un bruissement au sol. Dehors, les étudiants de retour dans la ville rose allaient et venaient, et ici, en cet instant, Ella sentait la chaleur envahir son entrejambe. Sa main glissa dans son dos pour essayer de savourer elle aussi ce que la nature avait offert à son homme pour la soirée. La bosse qu'elle sentit enfler sous ses doigts lui confirma que la lingerie n'était effectivement pas un souci. La brune fit volte-face, se hissant sur la pointe des pieds pour venir embrasser un Diego qu'elle sentit dur contre son bas ventre.
"T'es pas mal non plus ..."
Plus que pas mal. Mais cela il pourrait s'en rendre compte assez vite. A son tour, elle ne se fit pas prier pour déboutonner sa chemise et la faire glisser au sol. Bon sang qu'il était beau. Trop pour être réel. Trop pour elle. Alors qu'elle s'apprêtait à faire de même avec sa ceinture et ce pantalon de costume, Diego saisit ses mains.
"Non, d'abord je veux te lécher."
Demandé si gentiment, comment pouvait-elle refuser. Il l'accompagna vers la lit, s'y installa, la laissant debout face à lui pour faire glisser contre ses hanches le coton sombre qui la couvrait. Du bout des doigts il caressa l'intérieur de ses cuisses, déposant des baisers contre son ventre, alors que son index vint caresser ses lèvres humides, s'y glisser à lui en arracher un soupir. Il la rapprocha de lui, sa langue prit la place occupée par son index. Elle crevait tellement de lui qu'elle regrettait déjà de ne pas profiter à fond de ce cunnilingus. Et pourtant, la jouissance ne vint pas en un temps record. Au lieu de cela, Ella grimaça, tentant de le guider sur la piste au trésor en essayant de ménager son orgueil de mâle. Elle lutta quelques minutes, qui si elles n'étaient pas pénibles, n'étaient pas non plus plénitude et volupté. Jusqu'à ce que cela ne devienne juste ennuyeux. Tous les hommes n'étaient pas doués pour le sexe oral, elle n'allait pas lui tenir rigueur, ils avaient encore le temps de profiter de la soirée, de la nuit. Ella le repoussa, dégrafa son soutien-gorge et vint se lover contre lui, sa poitrine dressée rencontrant la chaleur cuisante de sa peau, de ses muscles saillants. Sa main elle revint à la conquête de ce qu'il l'avait empêchée de saisir plus tôt. D'une main encore maladroite, elle défit la ceinture, le bouton et la braguette de ce pantalon de costume qui paraissait hors de prix. Il ne fallait pas se laisser dépassée par ce premier échec, l'envie était toujours là et quand elle regarda à nouveau cet Appolon dans le plus simple appareil - et quel appareil ! - Ella sentit les fragments du désir cuisant qui l'avait poussée à le suivre ici retrouver leur place entre ses cuisses.
"J'ai grave envie de te sucer ..." Comme une demande pour son autorisation. Il accepta et au gré de quelques baisers contre sa peau salée, la brune cueillit son membre durci par l'envie entre ses lèvres, sa langue en découvrit la saveur, et rapidement elle s'offrit la mélodie de ses soupirs par d'habiles vas et vient et caresses délicates. Il était délicieux, ni trop imposant ni pas assez. Pénis de chair. Elle se fit la remarque maintenant qu'elle connaissait la différence entre chair et sang.
"J'ai envie d'être en toi ..." lui soupira-t-il entre deux gémissements. Encore une fois, demandé si gentiment, comment pouvait-elle refuser. Le voulait-elle seulement ? Bien évidemment qu'elle ne voulait pas refuser cela, elle crevait d'envie de voir ce bellâtre la prendre sauvagement dans le reflet du miroir depuis l'instant où ils étaient entrés dans la chambre. Diego saisit un préservatif qu'il enfila d'une main de maître et sans changer quoique ce soit à leurs positions, Ella l'invita en elle. Un râle de plaisir fila ses lèvres, parfait écho à celui de son amant. Ses hanches prirent lentement la mesure alors que son corps s'habituait à cette délicieuse sensation. C'était ce moment qu'elle aimait le plus, lorsque l'envie avait atteint son apogée et que les corps savaient exactement ce qu'ils devaient faire pour jouir. Elle accéléra la cadence, ses fesses claquèrent contre la peau de l'espagnol, c'était bon mais ce n'était pas encore le mieux. Le meilleur. Elle voulait jouir, jouir et se resserrer autour de lui, le voir se perdre en elle et retomber contre son corps brûlant, le souffle court.
"Joder !"
Ella esquissa un sourire avant de le voir soupirer plus fort, de sentir ses mains se poser contre ses cuisses. Elle arrêta ses mouvements et inspira doucement, esquissant un sourire. Il venait de jouir. Elle n'avait pas joui. Son beau latino n'avait rien d'un étalon à l'endurance légendaire. Elle était déçue mais elle ne voulait pas le vexer alors elle se contenta de soupirer au même rythme que lui en se laissant retomber contre son corps. Finalement elle aurait peut-être mieux fait de rester au bar avec Claire.
La descente fut plus dure que l'ascension, ce qui était malheureusement assez commun dans sa vie sexuelle des années écoulées. Quelques banalités furent échangées, qui n'avaient nullement la saveur de leurs échanges plus tôt, et après avoir ramassé et enfilé ses vêtements, une fausse promesse de se revoir fut échangée. Elle ne la tiendrait pas aussitôt assise dans le métro, elle annula ce match et soupira. Sa culotte encore humide de l'excitation ressentie alors qu'ils buvaient ce verre si prometteur, Ella rentra chez elle. Sac à main jeté sur le canapé, elle sauta sous la douche et enfila un t-shirt trop long et un shorty confortable. Vautrée sur son canapé, la brune rouvrit l'application de rencontre pour swiper, sachant pertinemment que ce soir-là, elle n'aurait personne d'autre qu'elle même pour jouir.
"A la guerre comme à la guerre ..."
Caché dans le coffre du canapé, elle récupéra un sex-toy acheté les jours précédents. Elle observa l'objet d'un regard intrigué avant de se dessiner à jouer. Les vibrations firent d'abord durcir ses tétons, ravivant l'excitation ressentie plus tôt. Le silicone glissa contre son corps avant de se frayer un chemin au creux de son être. Elle aurait pu prendre le temps mais elle ne voulait qu'une chose Ella ; jouir enfin. Cela aurait pu être le nom de son autobiographie sur les semaines écoulées. L'engin glissa en elle avec une facilité déconcertante, les vibrations savamment étudiées caressèrent à la perfection son clitoris et ce fameux point G. En moins d'une minute montre en main, son corps s'arqua et un long gémissement glissa de ses lèvres.
"Putain ! C'est une machine de guerre ce truc ..."
L'orgasme était là, salvateur, libérateur. Mais elle ne rêvait qu'à une chose, sans jamais oser l'avouer, pouvoir s'échouer contre la silhouette connue de cet homme pour qui elle sentait son cœur battre plus fort à chaque fois. Cet homme qui ne voyait en elle qu'une amie.